

Juin 2010 à Juillet 2021
Baïkal
Mémoire d’une renaissance nordique

Elle s’appelait Baïkal comme le lac sacré de Sibérie, comme un écho lointain à mes onze loups disparus.
Elle n’était pas une husky, non…
Mais elle portait en elle l’empreinte du Nord, celle que je ne pouvais renier ,
celle qui coulait dans mes veines depuis vingt années à vivre avec mes chiens,
mes frères d’attelage, mes compagnons de tempêtes et de silences enneigés.Baïkal est arrivée dans ma vie alors que je commençais à deprimer légèrement comme vidée.
Neuf mois après Jessie. Sept mois après Mytook. Le cœur dépeuplé.Je ne voulais pas revivre ce qui avait été je ne pouvais pas.
Mais vivre sans un nordique, après vingt ans de passion, d’aventures,
de meute, m’était simplement impossible.
Je refusais de reproduire à l’identique ce lien si fort avec mes huskies…
Et pourtant, je ne pouvais pas non plus me tourner vers une autre race.
Alors ce n’est pas un hasard si Karine, mon amie de toujours, m’a tendu la main.
Elle venait d’avoir une portée de Malamutes, et m’a proposé de m’offrir un chiot.
Ce geste, cette offrande, scella ce retour fragile au quotidien de ma vie citadine.C’est ainsi que Baïkal est entrée dans ma maison et dans mon histoire.
Elle n’avait alors que deux mois un ourson de tendresse et d’instinct.Même si elle appartenait à la famille des nordiques, elle ne ressemblait en rien à mes huskies.
Et c’est tant mieux. Chaque jour, j’apprenais à la connaître. À apprivoiser ses différences.
À m’imprégner d’une race qui m’avait toujours fascinée à travers mes amies,
mais que je ne connaissais pas encore dans l’intimité du quotidien.Je m’étais promis d’écrire plus tard sur elle quand elle aurait grandi, forgé son caractère, pris sa place.
Mais déjà, à ses côtés, je retrouvais des éclats de bonheur, ces petites choses simples
et puissantes que seule une vie partagée avec un chien peut offrir.
Et à travers elle, chaque jour, je renouais un peu avec ma meute extraordinaire.Merci, bébé Baïkal , petit clin d’œil au lac de Sibérie, au pays glacé d’où venaient mes onze loups.

Dix ans plus tard.
Dix années ont filé comme un souffle, si riches, si pleines,
si lumineuses que les mots sont impuissants à tout dire.
Ce que j’ai vécu avec Baïkal ne peut se raconter, seulement se ressentir.Les photos — dan la rubrique mon album — parleront pour moi.
Avoir un Malamute, c’est accueillir un géant de douceur.
Un doudou ancestral, à la puissance tranquille.
C’est se lover chaque soir dans une chaleur qui ne vient pas que du pelage,
mais d’un amour massif, brut, entier.
Baïkal était un petit ours. Un roc de tendresse.
Une présence essentielle dans ma vie .Passer à côté de cette race, c’est passer à côté d’un pan de l’aventure.
Le Malamute, c’est le souffle du Wild, l’âme des pionniers,
la mémoire des traîneaux du siècle dernier.
C’est l’oublié du matériel qui devient vital dans la tempête.Avoir un Malamute, c’est la force et la douceur.
Le noir et le blanc, La glace et le feu.
C’est réveiller ce qu’il y a de plus primitif en soi
cette boussole intérieure que le monde moderne tente d’étouffer.Si je n’avais pas eu ce chien, ma passion serait restée inachevée.Et puis un jour, ce fut la fin.
Violente. Foudroyante. Indispensable pour la suite, mais insupportable sur le moment.
Je croyais avoir tout vécu avec la mort de Mytook. Je pensais être préparée.
Mais la perte de Baïkal fut une claque plus sourde, plus large.
Comme si c’était toute la meute qui s’éteignait une seconde fois.Tout a commencé avec moi : au premier confinement du covid, j’ai été hospitalisée en urgence.
Un abcès apparu sans prévenir, une infection sévère, une semaine sous perfusion.
Et quand je suis rentrée encore tremblante et que j’avais hâte de retrouver ma chienne ,
c’est Baïkal qui est tombée. Un cancer des os. Incurable. Injuste. Fulgurant.Nous sommes tombées ensemble, en quelques sortes alors que nos longues balades
dans le grand silence de la vie nous comblait tout stopa d’un coup . Ce double choc m’a brisée.
Pendant une longue année , je n’ai été que silence, larmes, isolement.
Le deuxième confinement est devenu un refuge autant qu’une prison.
Plus rien ne comptait. Plus rien ne brillait.Baïkal est partie, et avec elle, l’ombre du dernier feu de ma tribu. Le deuil commençait…

