INOOK

Février 1993 à Octobre 2003

 » Mémoires de Loup « 

Arrivé en deuxième dans ma vie, Inook a d’abord connu la ville.
Il a passé sa première année dans un appartement parisien.
C’est en accompagnant un ami chez un éleveur que mon regard s’est posé sur lui :
un splendide rouquin aux yeux vairons.

L’éleveuse m’expliqua qu’il était déjà réservé pour une personne souhaitant faire uniquement de la reproduction avec des yeux bleus.
Mais quelque chose en moi m’a poussée à insister, incapable de me détacher de ce petit loup…
Féline l’avait déjà accepté, comme une évidence.Alors, après bien des échanges, l’éleveuse a fini par me le confier.

Inook est devenu le compagnon de Féline, et au fil du temps, il a rencontré le reste de la meute.
Il est aussi devenu le père de mes quelques loups. C’est un chien fier, digne, qui ne hurle pas, n’aboie presque jamais,
mais qui miaule d’une voix grave pendant les chaleurs ou quand il veut être près de moi.
Il comprend tout, ressent tout, et réagit immédiatement quand je lui murmure quelques mots à l’oreille.
Il n’est pas très démonstratif, ne fait pas souvent de léchouilles,
mais il aime venir se blottir, rester proche de moi, où que j’aille.

Inook n’a jamais été un grand chien de course — trop court, un peu lourd —mais sa démarche est magnifique :
il se déplace avec une élégance naturelle, la queue relevée, la tête haute. Il a été présenté à quelques expositions canines,
où il s’en est bien sorti,mais ni lui ni moi ne trouvions notre place dans ce milieu.
On a préféré les entraînements sportifs, la nature, les chemins.

Avec Féline, il a été à l’origine d’un club parisien et de nos premières courses.
Il a commencé les balades en vélo, d’abord à un chien, puis à deux,
avant de courir en attelage — quatre, six, puis dix chiens sur terre.
Il manquait un peu de motivation jusqu’à l’arrivée de son fils Mytook,
qui s’est placé à ses côtés. Là, tout a changé.
Le père a repris sa place, a senti l’envie de courir,
et a donné le meilleur de lui-même.

Aujourd’hui encore, c’est un excellent chien de rando… et de canapé.
Il tient une place immense dans mon cœur. Depuis que Féline est partie,
il est à lui seul le lien vivant avec mes débuts, il y a douze ans.

Inook est calme, posé, il évite les conflits.
Il ne répond pas aux provocations des plus jeunes, ni à celles de ses cousins.
Il est au-dessus de ça, trop sage, trop fier, comme un vieux chef indien
qui observe sa tribu d’un coin de l’œil, tranquille au soleil,
le poil soulevé par le vent, toujours à l’affût de mes mouvements.

Et il plaît aux femelles !
Sur trois semaines de chaleurs, il sait exactement quel jour, quelle heure,
et même à quel endroit il faut intervenir… malgré toutes nos précautions.
C’est le plus rusé de mes chiens, celui qui attend le bon moment, la faille, l’occasion.
Deux fois, il y arrive… la troisième, on finit par comprendre !

Il a même eu quelques bébés avec des chiennes de copains.
Aujourd’hui, il nous sert de testeur de chaleurs :
il suffit de lui présenter une femelle… et là, le spectacle commence.

Mémoires de Lo

Inook a eu une tumeur au cerveau très rapide et douloureuse aussi il a fallut le soulager peu de temps après les premiers symptômes! Ma peine fût si grande que j’ai écrit quelques mots.
Merci à mon amie de coeur LILI qui pour ne pas me laisser faire la route seule était venue avec moi d’ ALSACE à MAISON-ALFORT pour l’IRM D’INOOK.

Quel enfant n’a pas rêvé un jour d’un compagnon invisible, discret confident des secrets d’âme ?
Un petit animal — chien, chat ou autre — à qui l’on parle le soir quand le cœur est trop lourd, avec qui l’on partage des aventures rêvées et des voyages imaginaires. Moi, j’avais ce loup des neiges…
Il marchait dans mes songes, compagnon fidèle de mes nuits silencieuses. Parfois lointain, parfois proche,
il ne m’a jamais quittée tout à fait. Et si je cessai de lui parler en grandissant,
il demeura en moi rêve doux, en attente d’un souffle pour devenir réel.

Avril 1993
Et voilà Inook, mon deuxième compagnon après Féline.
Il me faudrait des pages entières pour vous parler de ce chien roux aux yeux vairons,
qui bondissait sur ses pattes comme un cheval fier. Et pourtant, aucun mot ne serait assez noble, assez profond,
pour décrire la symbiose qui nous unissait. Mais je m’efforce ici de vous offrir une carte postale de notre histoire
car elle est peut-être aussi un peu la vôtre.

Quand nous prenons un chien, nous savons bien que sa vie sera courte. Nous savons que nous aurons la responsabilité de l’aimer, de le guider, de l’accompagner. Mais il est une chose que nous ignorons, à l’instant précis où nous le choisissons :
c’est jusqu’où ira cet amour. Jusqu’à quelle profondeur il nous habitera.
Nous ne savons pas tout ce que nous vivrons côte à côte, ce que cet animal va nous apprendre,
ni combien il deviendra pilier, phare, mémoire vivante de notre propre chemin.

Aujourd’hui, je le sais. Par la lourdeur de mes paupières. Par celle de mon cœur.
Par l’absence qui pèse de tout son poids. J’ai perdu le chef de ma meute. Le père de presque tous mes chiens.
Mon compagnon de route. Celui à qui je murmurais mes secrets,et contre qui j’aimais me blottir pour réchauffer mon âme.
Inook était un bon chien de traîneau, un vrai meneur,mais surtout un compagnon digne jusqu’au bout.
Pour ceux qui croient que le chien ne comprend pas, je voudrais leur dire ceci :
Ma meute a senti la maladie d’Inook avant même que je ne la devine.

Le jour où je suis rentrée sans lui, je me suis assise, et les autres ont hurlé. Vingt longues minutes.
Et cette nuit-là, sa compagne de toujours, la chienne de tête, a pleuré sans trêve.
Je me souviens de notre dernière balade, à l’aube, où il me parlait du regard, ce silence si dense. Il savait, Je savais.

Tous ceux qui ont perdu un chien comprendront. On peut courir, crier, pleurer, dessiner, écrire , rien ne suffit. Alors, je laisse ici un morceau de lui,pour figer dans le temps ce témoignage,et pour vous dire quel chien il était. Cela ne changera rien, bien sûr. Mais peut-être comprendrez-vous que prendre la décision d’interrompre une vie surtout celle d’un être qu’on aime est l’une des tâches les plus déchirantes qui soit. On dit que les animaux ont ce luxe de ne pas souffrir inutilement, contrairement aux humains. C’est sans doute vrai. Mais le prix de ce dernier regard reste gravé dans l’âme pour toujours.
L’absence est le fardeau le plus lourd que l’amour puisse porter.

Les Natives People diraient sans doute : Inook a rejoint sa tribu. Féline, Jinka, Mogwai ont suivit et un jour,
le reste de sa meute le rejoindra aussi. Ses cousins Falco, Baladin, Jelissa, Truffe, Yurka
— tous les nordiques qu’il a croisés sur sa route.

Je fais aussi un clin d’œil à tous les mushers qui ont un jour partagé leur vie avec un chien exceptionnel. À ceux qui ont eu un chef de meute, ou simplement un chien de canapé au regard plein de sagesse. À tous ceux qui, passionnés, ont trouvé dans l’animal un essentiel. Aux enfants, aux anciens,à tous ceux pour qui un chien est un fil qui relie à la vie.
Car l’animal nous donne plus que nous ne pourrons jamais lui rendre.
Il est là, compagnon des premiers jours du monde.
Et chacun de nous a son animal extraordinaire —
qu’il soit réel ou virtuel.

Quant à moi… je n’ai pas perdu un loup. J’ai perdu un être vivant extraordinaire.
Un compagnon de route qui me manquera pour le restant de ma vie !

À toi, mon Inook —
chef de ma meute extraordinaire , chien doux et gentil
mon loup des neiges.

— Nanou

Le chien c’est la vertu qui, ne pouvant se faire homme,  s’est faite bête. 
Victor Hugo