MYTIKA

Mars 1996 à 2009

MYTIKA — la tornade au cœur tendre

Sœur de Mytook et de Quézac, Mytika est le troisième trésor que nous avons gardé de la portée d’Inook et de Jessie.
Je n’avais pas prévu de la garder deux chiots, c’était déjà beaucoup mais elle s’est imposée d’elle-même.
Par son regard, sa morphologie, sa fougue… et surtout par ce caractère bien trempé qui m’a prise par surprise.

Mytika, c’est notre chipie royale, notre emmerdeuse de service, pardonnez le mot mais il n’y a pas d’autre terme qui lui colle autant à la peau ! Une tornade à quatre pattes, grande gueule et dominante comme jamais, qui déclenchait des embrouilles pour un regard de travers, et causait sans cesse, sur ses frères, sur ses sœurs, sur nous… Il fallait toujours qu’elle ait le dernier mot, ou plutôt, le dernier hurlement.

Elle ne supportait ni Loupiotte ni Jinka. Leurs affrontements ont parfois laissé des traces profondes…
et je ne compte plus le nombre de fois où mon ami Gilles, musher et infirmier providentiel, a dû lui recoudre la peau.
La plus marquante ? Cette bagarre terrible où elle perdit un morceau d’oreille déchirée net par un mauvais coup de croc.
Chirurgie esthétique à la clé. Elle en est ressortie avec une oreille cabossée…
mais aucun changement de caractère. Mytika ne pliait pas. Elle fonçait, toujours.

Et pourtant et c’est là tout le paradoxe de cette chienne. Mytika était aussi une boule de tendresse.
Une extrême douceur dans un volcan d’énergie. Elle se jetait sur le dos dès qu’un enfant l’approchait, offrait son ventre pour les caresses, et se lançait dans des séances de « kiss » nordiques, léchouilles du front au menton comme une esthéticienne du Grand Nord.
Elle aurait été, chez les humains, cette femme coquette, crâneuse, grande gueule… mais au cœur tendre, irrésistible, passionnée.

À l’attelage, elle était une fusée. Une vraie bombe. Je comptais sur elle pour prendre un jour la tête, en remplacement de Loupiotte… mais j’hésitais. Aurait-elle été sage ? Rien n’est moins sûr. Car à deux, avec Mytook, ils formaient le duo infernal de la meute : les chefs de chœur de nos concerts de hurlements. Heureusement, un claquement de mains suffisait à les faire taire… parfois !


Lyon — deux maîtresses pour un cœur unique

Lorsque je suis partie des Vosges, j’ai emporté avec moi Jessie et Mytika. Mytika ne pouvait vivre avec d’autres chiens : trop dominante, trop exclusive. J’ai donc choisi de la confier à une amie très chère, Marlène, qui vivait à Lyon avec ses trois enfants.
Ce fut un vrai soulagement pour moi. Car non seulement elle y serait choyée, mais nous pouvions nous voir souvent, partager des balades avec Jessie comme une garde alternée douce et complice.

Mytika m’aimait toujours. Elle m’avait assimilée à sa mère Jessie, j’en suis certaine. Elle m’attendait, m’embrassait, bondissait dès que j’arrivais. Une fidélité inébranlable, malgré son amour sincère pour sa nouvelle famille.
Marlène l’adorait. Et bien des fois, Jessie dormait chez elles ; le lien mère-fille n’a jamais faibli, pas un instant.


Le choc — et le silence

Puis, en 2009, ce coup de téléphone. La voix de Marlène, déchirée, presque inaudible :
— Nanou… Mytika a eu une attaque…

Je cours à l’école vétérinaire de Lyon. Trop tard. Mytika est dans le coma. Et c’est à moi de prendre la décision. Celle que j’ai prise tant de fois. Celle qui détruit un peu plus à chaque fois. Laisser partir. Refuser l’acharnement. Refuser la machine. Accepter la fin.

Nous étions là, toutes les deux. Deux femmes, deux mères de cœur, devant un petit corps inerte. Larmes partagées, silence immense, douleur immense. Et comme si tout avait été écrit d’avance, une caméra tournait ce jour-là pour une émission intitulée Appel d’Urgence.
Mytika, jusqu’au bout, avait tout orchestré. Même son départ.


Mytika, éternelle

Elle m’a laissé vide, une fois encore. Une page s’est tournée. Une corde s’est rompue. Mais dans le cœur de Marlène, comme dans le mien, elle a laissé une trace d’or. Cette chienne exclusive, irrésistible, avait su créer un amour pur, immense en nous.

Nous sommes allées choisir ensemble une belle urne en forme de loup au centre de crémation ,
là même où reposent déjà Jessie, la mère de Mytika, puis Mytook son frère, et plus tard Baïkal, ma douce malamute.
J’ai accompagné Mytika jusqu’au bout, présente à ses côtés le dernier jour.

Mais le vrai drame, c’est ce qui s’est joué après. À peine un an plus tard,
Marlène est tombée gravement malade. Cette maladie lui a coûté la vie.

De son vivant , Il était convenu que je récupère les cendres de Mytika.
Elle devait rejoindre les autres, tous mes chiens chéris, rassemblés en un lieu d’attente, jusqu’au jour de mon propre départ.
Mais l’une des filles de Marlène souhaitait verser les cendres de Mytika dans la nature, avec celles de sa mère. J’ai dû accepter.

Je savais que cette idée aurait touché Marlène droit au cœur, elle qui avait tant aimé cette chienne.
Alors j’ai dit oui. Mais je n’ai pas eu la force d’accompagner Orlane, sa fille, dans ce dernier geste. Elle me l’avait pourtant demandé et courageuse comme je suis j’aurais pu le faire …mais c’était trop — trop douloureux, trop symbolique. Trop lourd de pertes entremêlées.

Je l’ai laissée partir seule, avec Mytika, avec Marlène. Et je me dis aujourd’hui qu’elles veillent sur nous quelque part ,
deux âmes tendres et puissantes, devenues nos anges gardiens.